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la pâleur de sa joue, père chéri nous sera revenu bien avant ce temps-là !

— Est-ce qu’il y a de bonnes nouvelles ? demanda vivement la servante.

— Je crois bien ! répondit Suavita avec une égale vivacité.

Elle s’arrêta pour ajouter :

— C’est un grand secret. Ysole me gronderait si je le disais.

— Mamselle Ysole ! gronder mademoiselle ! prononça lentement Jeannette.

Et la manière dont nous écrivons diversement ce même mot ne suffit point à rendre la différence emphatique que Jeannette avait mise entre le premier Mlle et le second MADEMOISELLE.

Manifestement, et quoi qu’on pût faire, il n’y avait pour Jeannette qu’une seule demoiselle de Champmas.

— Comme tu dis cela ! reprit la jeune fille avec reproche. Tu m’aimes trop, vois-tu, et cela fait que tu n’aimes pas assez ma sœur Ysole.

Un mot vint à la lèvre de la vieille servante, qui se retint et garda le silence. Suavita continuait :

— Moi, je l’aime bien ! oh ! mais bien, bien ! Celles qui n’ont pas de sœur me font pitié. Quand elle vient me voir au couvent, tout le monde dit : Comme elle est jolie ; alors, je suis heureuse…

— Ah ! fit-elle, car les idées ne faisaient que passer dans son pauvre esprit affaibli, j’étais fière aussi de maman chérie. Et ma tante Reine, comme elle me gâtait ! mon Dieu ! Toutes celles qu’on aime s’en vont. Si on me disait un jour : Tu ne reverras plus