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religieuses sont bonnes aussi, et je les aime.

Un geste frileux dont la servante connaissait bien la signification la fit lever. Elle ramena sur les pieds de la jeune malade la couverture de soie ouatée qui l’entourait.

— Merci, Jeannette, dit Suavita. J’ai toujours froid. Je ne souffre pas beaucoup, mais je crois que je suis bien malade.

Jeannette essaya de sourire. Elle avait des larmes plein les yeux.

— Quelle idée ! balbutia-t-elle, vous grandissez, voilà tout. Vous êtes si grande que je n’ose plus vous tutoyer. Et cela fatigue de grandir.

Les paupières de Suavita se fermèrent tout à fait, pendant qu’elle murmurait :

— Oui, cela fatigue. Je suis faible, faible…

— J’étais ainsi quand je grandissais, reprit Jeannette.

— Et tu es bien forte maintenant. Est-ce que ma sœur Ysole a été aussi comme cela quand elle grandissait ?

— Sans doute… commença la servante.

Elle interrompit ce pieux mensonge pour ajouter en elle-même :

« Celles-là sont comme les branches d’en bas qui mangent les arbres au pied et qui profitent ! La bâtarde a tout pris. »

Rarement, les vieux serviteurs sont du parti des intrus.

— Quand ma sœur Ysole aura l’âge, poursuivit Suavita doucement, c’est elle qui sera ma maîtresse. Mme de Clare s’en ira et nous serons bien heureuses.

— Mais, s’interrompit-elle avec un si joyeux élan qu’un peu de sang rose revint à