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Nous ajouterons tout de suite que, le même jour, précisément, on avait loué le second étage au nom du vicomte Annibal Gioja des marquis Pallante, jeune Italien fort bien reçu chez la belle comtesse.

Il était cinq heures du soir environ. Dans cette chambre du premier étage, dont Paul Labre avait regardé si souvent, ce soir, les persiennes fermées, une jeune fille, une enfant plutôt, était couchée sur une chaise longue et semblait sommeiller. Elle était pâle comme une vierge de cire. Ses cheveux blonds éparpillaient leurs boucles sur le coussin et ses cils bruns, demi-clos, laissaient glisser un paresseux rayon.

Elle paraissait avoir treize ou quatorze ans à peine, quoiqu’elle eût la taille d’une femme. Sa beauté était d’un ange, — mais de ces anges qui n’ont fait qu’effleurer la terre et qui vont remonter au ciel.

C’était la plus jeune des filles de M. de Champmas, sa fille légitime. Sa mère amoureuse lui avait donné le nom de Suavita.

Auprès de la chaise longue une vieille servante en deuil était assise et veillait.

— Je ne l’aime pas, dit tout à coup Suavita d’une voix languissante et douce.

Ses yeux étaient fermés. La vieille servante, qui crut à un rêve, demanda tout bas :

— Dormez-vous, chérie ?

— Non, répondit l’enfant, dont les longs cils se relevèrent un peu. Je pense à la comtesse. Elle est pourtant fort belle.

— Et vous ne l’aimez pas ?

— Non. J’ai beau faire !

— Elle a été bonne pour vous, cependant.

— C’est vrai. Là-bas, au couvent, les