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reproches de sa sœur, chagrine et presque indignée de voir arriver cette étrangère qui allait partager les droits de l’enfant légitime, le général avait répondu :

— Dieu m’a pris ma femme qui était un ange ; Suavita est un ange que Dieu me prendra. Laissez-moi habituer celle-ci à m’aimer pour que je ne reste pas seul sur la terre.

Il expliqua alors que feu la comtesse, loin d’ignorer l’existence de cette enfant, déjà reconnue lors de son mariage, avait consenti à la légitimer par contrat secret, à la condition qu’elle n’habiterait point la maison paternelle.

La bonne tante Reine, soumise et dévouée, n’avait pas résisté longtemps. Non seulement elle n’avait point tenu rigueur à la fille naturelle de son frère bien aimé, mais la tendresse était venue peu à peu et dans les derniers mois de sa vie, elle s’était faite la complice du général pour assurer complètement la position d’Ysole.

Il faut dire qu’Ysole était une jeune personne accomplie : belle, douce, spirituelle, brillante, et poussant la séduction jusqu’au charme. Du vivant de Mme la comtesse, et tout en la tenant éloignée de la maison, le général n’avait jamais négligé son éducation. Ysole avait été élevée dans un de ces couvents fashionable d’où sortent tant de jolies merveilles. Elle savait tout ce qui se peut apprendre, et comme l’esprit, la grâce, l’élégance semblaient innés en elle, l’excellente sœur du général se serait fait un scrupule de conscience de ne point la déclarer parfaite.