Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/7

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autant que son autre fille. C’est singulier ; moi, je ne connais pas son autre enfant, et je l’aime presque autant que ma fille !

Elle fit sa voix toute douce pour appeler encore :

— Mou, mou ! mou ! libertin ! mou ! mou !

Mais l’obstiné matou se gobergeait sous ses fagots et faisait la sourde oreille.

Mme Soulas rentra et referma sa porte. Pendant tout le temps qu’elle avait été sur le palier, le bruit régulier et sourd avait cessé dans la chambre no 9. Aussitôt que Mme Soulas eut disparu, le bruit recommença.

Elle était maintenant assise auprès de sa cheminée, regardant fixement une grande marmite de cuivre, où bouillait le pot-au-feu.

— Moi, pensait-elle, il ne sait plus que j’existe, et qu’importe ? Je ne lui ai jamais rien demandé pour moi.

Elle avait pris sous le revers de son fichu une petite boîte qu’elle ouvrit. La boîte contenait le portrait d’un fort beau cavalier portant le costume de lancier et les insignes de chef d’escadron. Sous le portrait, on pouvait lire ces mots : « À Thérèse. »

Mme Soulas le regarda. Il eût été malaisé de traduire l’émotion de son sourire. Ce n’était en aucune façon de l’amour.

— Ils disent que les révolutions ont changé le monde, murmura-t-elle. Un homme beau, riche, puissant, passe dans un pauvre pays ; il trouve une femme belle, il lui prend sa conscience et son repos ; il s’en va heureux, elle reste misérable. Quand mettront-