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a jusqu’à présent élu son domicile.

La lune était cachée sous les nuages, et c’est à peine si une lueur insaisissable filtrait à travers la poussière qui aveuglait le carreau du jour de souffrance. La nuit était complète. Mme Soulas venait d’éteindre sa lampe en se mettant au lit. Il n’y avait rien d’allumé dans la chambrette de Paul ; seule, la chambre no 9, celle où un mystérieux personnage avait écrit le nom de Gautron, à la craie jaune, gardait une raie lumineuse sous les planches de sa porte.

L’étranger essaya de s’orienter. Son regard interrogea tout autour de lui, et comme il arrive invariablement quand un point isolé luit dans l’obscurité, il se dit, au bout d’une seconde d’examen : ceci est le milieu.

Le point lumineux est toujours le milieu.

Or, on lui avait dit : porte du milieu.

Il marcha droit à la porte no 9 et y frappa à coups de poing.

Aucun bruit, aucun mouvement ne suivirent cet appel.

L’étranger redoubla, et il lui sembla entendre des chuchotements à l’intérieur.

— Morbleu ! dit-il, je suis las. J’ai besoin de manger et de dormir. Paul, mon frère, ouvre, c’est moi !

La porte s’ouvrit en effet, mais, préalablement, la raie lumineuse avait cessé de briller au ras du sol.

— Eh bien ! petit frère, commença le voyageur, es-tu seul ? La mère ne demeure-t-elle pas avec toi ? Où es-tu, qu’on t’embrasse !…

Ce dernier mot ne fut pas achevé, et Jean Labre, car c’était lui, n’eut pas le temps de s’étonner du bizarre silence qui accueillait sa venue.