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Mortelle folie ! Son nom, le nom d’Ysole, viendra le dernier sur ma lèvre. Ma prière s’envolera vers elle, au lieu de monter aux pieds de Dieu !

Quand il reprit sa plume, ce fut pour effacer les dernières lignes de sa lettre, depuis les mots : « Ai-je tout dit ? »

À la place, il écrivit :

« J’ai tout dit ; adieu, mon frère chéri, nous nous serions bien aimés tous deux. »

Et il signa : « Paul Labre d’Arcis. »

Sur l’adresse il mit : « À monsieur Jean Labre, baron d’Arcis, secrétaire du consul général de France, à Montevideo (Uruguay). »

Il cacheta et se leva. Son regard fit le tour de la chambre.

— Je n’oublie rien, dit-il avec un triste sourire.

Il sortit, tourna la clef en dehors et frappa à la porte de Mme Soulas qui vint ouvrir elle-même.

Elle était seule ; tous les habitués de la table d’hôte, retirés depuis longtemps, étaient à leurs affaires ou à leurs plaisirs.

— Venez-vous pour manger un morceau ? demanda la bonne dame.

— Non, répondit Paul, je n’ai pas faim.

Il mit dans la main de Mme Soulas sa lettre et quelque monnaie.

— Pour affranchir demain matin, s’il vous plaît, dit-il.

— Tiens, s’écria Thérèse, j’en ai une pour vous, depuis tantôt, étourdie que je suis !

Paul prit la lettre et la mit dans sa poche sans la regarder.

— Vous n’êtes pas curieux, fit Mme Soulas.

— Je sais ce que c’est, murmura Paul