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D’un mouvement pareil, le prince avait voulu faire aussi un pas en arrière, mais la porte par où il venait d’entrer s’était refermée.

L’un des deux hommes masqués dit :

Il fait nuit ! Coupez la branche !

— Lecoq ! balbutia le prince terrifié.

— Bonhomme, répondit le terrible Toulonnais-l’Amitié, c’est toi qui avais inventé le tour. Tu aurais parlé demain à l’audience, nous t’épargnons la cour d’assises… Allons, marche !

Quand onze heures sonnèrent à l’horloge du Palais, la chambre no 9 était en ordre et sa boiserie intacte ne présentait aucun indice révélateur.


Longtemps après, en l’année 1843, le baron Labre d’Arcis et sa femme, Suavita de Champmas, reçurent une lettre de faire-part, datée de Saint-Pétersbourg, qui leur annonçait le mariage de Mlle Ysole Soulas avec le prince Woronslow, aide de camp de S. M. l’empereur de toutes les Russies.

Cinq ans après encore, quelques mois avant la révolution de 1848, Paul et Suavita firent un voyage à La Ferté-Macé pour visiter la tombe du général comte de Champmas, mort l’automne précédent.

Il y avait une sœur de charité accoudée sur le marbre.

Elle serra Suavita sur sa poitrine, tendit la main à Paul et s’éloigna sans prononcer une seule parole.

C’était Ysole, toujours belle, mais morne, jusque dans le repentir.

Suavita fut distraite en priant pour son père.

Mais, le soir, Paul la mena par la main sur la pelouse du château de Champmas où trois beaux enfants blonds accoururent vers eux en secouant leurs chevelures bouclées.

Et pendant que la jeune mère, car Suavita n’avait pas encore vingt-six ans, s’enivrait de baisers et de caresses, Paul lui dit avec le beau sourire des heureux :

— Que Dieu lui donne la paix comme il m’a donné le bonheur !


FIN.