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sa cellule de la Conciergerie par une de ces miraculeuses évasions dont les Habits-Noirs seuls avaient le secret.

— Mon cher garçon, disait-il, hier, quand j’ai entendu le surveillant murmurer à mon oreille ces bienheureux mots : Il fera jour demain, je me suis dit tout de suite : Lecoq est mort ; on a dû couper la branche. Est-ce le bon colonel qui a fait cela ?

— Le colonel est fin comme l’ambre, répondit Gioja. Ce Lecoq tournait au tyran.

— Comment l’a-t-on supprimé ?

Annibal répondit :

Mme la comtesse avait envoyé des cèpes de la forêt d’Andaine : ils se sont trouvés vénéneux.

— Cette chère Marguerite ! s’écria Nicolas en riant. J’avais déjà songé aux champignons là-bas : Lecoq les aimait… Mais allons-nous faire dix lieues dans Paris, vicomte ?

Les stores du fiacre étaient baissés.

Annibal répliqua :

— On ne saurait prendre trop de précautions.

La voiture s’arrêta presque aussitôt après.

La portière fut ouverte par Cocotte qui était là en sentinelle et qui dit :

— Rabattez votre chapeau, relevez vos collets : il ne faut pas échouer au port.

Le beau Nicolas était prudent par nature. Il sortit du fiacre, tout occupé à cacher son visage et sans regarder ni à droite ni à gauche.

On le poussa dans une allée noire et humide qui avait vaguement odeur de cabaret.

Au bout de l’allée était un escalier tournant.

— Où diable suis-je ici ? demanda-t-il.

— Rue Mauconseil, chez l’abbé, lui fut-il répondu.

— L’abbé est bien mal logé… Montons.

On monta trois étages, une porte fut poussée et le faux prince se trouva dans une chambre de forme octogone, très petite, où il y avait cinq hommes et un large trou, pratiqué dans le mur.

Sur les cinq hommes, trois étaient armés de couteaux.

Les deux autres avaient des cravates noires sur la figure.

À la vue du prince, ceux qui étaient armés de couteaux reculèrent terrifiés et Coyatier dit :

— M. Nicolas ! un Habit-Noir !