Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/545

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Nicolas, arrivait trop bien à point pour ne pas exciter les soupçons des Habits-Noirs ; mais, dans cette terrible boutique de crime, tout point marqué compte. C’est là que règne surtout la religion du fait accompli.

À quoi bon aller au fond des choses quand le résultat tient lieu de loi ?

En réalité, personne ne prit la peine d’éclaircir par une enquête la question de savoir si l’apoplexie foudroyante de la reine Goret était de bon aloi ou non. À part l’opportunité un peu exagérée de la catastrophe, il est certain que l’ancienne mendiante buvait de l’eau-de-vie deux fois plus qu’il n’en fallait pour crever comme une chienne brûlée.

On trouva dans la ruelle de son lit trois bouteilles de « remède » au lieu d’une : elles étaient vides.

On ne trouva absolument rien dans le bahut qui lui servait de coffre-fort.

Elle eut l’enterrement des pauvres. Personne n’y assista, sinon ce pauvre bon garçon de vicaire qu’elle appelait Fanfan.

On parla un peu dans les champs et autour du foyer du méchant petit couteau de l’éclopé Vincent, mais on se gaussa surtout, pendant toute une semaine, de cette richesse fantasmagorique qui avait un instant ému tout le pays.

Les gens de Paris partirent le lendemain ; ils emportaient, par le fait, un butin respectable. Le château neuf fut mis en vente.

Mais tout n’était pas dit.

Un mois après, une véritable nuée de gens de loi s’abattit sur le pays.

Gars, filles, métayers et métayères furent bien forcés de croire à l’invraisemblable opulence de l’ancienne mendiante.

Malgré la brèche faite par les Habits-Noirs,