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Ainsi voit-on parfois, en temps de guerre, la raison supérieure du salut de tous, forcer un vaillant général d’armée à laisser sans secours des bataillons entourés par l’ennemi.

C’est souvent la douloureuse condamnation de ces témérités, dont le succès eût fait des actes d’héroïsme immortel.

« Il fait nuit, » dans la langue sacramentelle des Frères de la Merci et de leur successeurs, les Habits-Noirs, impliquait aussi expressément la condamnation des troupes trop engagées.

C’était la peine passive, infligée, au nom de l’intérêt général, à l’imprudence ou au malheur.

La peine active, celle qui nécessitait un exécuteur des hautes œuvres de la confrérie, s’exprimait par une autre locution métaphorique dont nous avons parlé déjà.

On disait, en ce cas : « Coupez la branche. »

Cette explication suffit pour donner à penser au lecteur combien étaient différentes les impressions de ceux qui avaient entendu prononcer les bizarres paroles : « Il fait nuit. »

Il y avait parmi les fonctionnaires un étonnement sans arrière-pensée, les membres de la conspiration se demandaient la signification de ce mystérieux mot d’ordre, les gens de Paris, sachant qu’ils étaient tout près d’une solennelle péripétie, attendaient, inquiets et frappés.

C’était une heure solennelle et dangereuse pour tous.

Les plus haut placés dans le conseil ne savaient pas bien eux-mêmes le secret de la puissance cachée qui menait la confrérie.

Le colonel était le chef nominal, mais d’autres influences dominaient la sienne. Le-