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mes plus seuls, car je ne vous cache pas que l’idée d’un duel nous paraissait aussi absurde qu’à vous… et la chose singulière, c’est que nous avions les mêmes motifs pour cela. Vous avez prononcé les premiers le mot assassinat, nous le répétons après vous ; mais il ne s’agit plus de l’honorable comte de Champmas, dont la santé me paraît parfaite, ni de feu M. Jean Labre, de qui M. le baron d’Arcis a bel et bien hérité, il s’agit d’un meurtre malheureusement certain et actuel, du meurtre de Thérèse Soulas… et je voudrais exprimer ma pensée sans blesser le général ; mais nous ne nous serions pas attendus à le voir du côté du meurtrier.

Sur le visage de Paul il y avait une pâleur mortelle. Il voyait le piège ouvert sous ses pas : il sentait la main irrésistible qui l’y poussait.

Il n’avait pas encore prononcé une parole ; il dit :

— Ces hommes sont-ils donc vraiment plus forts que la vérité et que la loi !

— Ils font ce qu’ils peuvent, murmura le vieux colonel à l’oreille du prince dont il s’était rapproché. C’est une jolie aventure. As-tu vu, mon bon chéri, comme l’Amitié a été de franc-jeu ? Il t’adore !

— Sur Dieu, sur la mémoire de son père, sur tout ce qui est sacré, s’écria en ce moment Paul Labre, révolté contre le mensonge qui l’écrasait, je jure que cet homme a tué Thérèse Soulas comme il a tué mon bien-aimé frère !

Il y eut autour de lui un grand murmure, car la foule s’était formée.

Les gendarmes, immobiles maintenant, avaient laissé passer l’autorité, à savoir : M. le juge de paix, son greffier et le commissai-