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ment à vue.

Vincent Goret fut laissé à l’hôtel.

Il pouvait être quatre heures du matin, quand la caravane se mit en marche.

M. Badoît était agité de fâcheux pressentiments. Il n’y a pas au monde, auprès des petits fonctionnaires, une plus mauvaise recommandation que le titre d’ancien agent. On ne quitte pas cette place, si misérable qu’elle puisse paraître, sans y être forcé.

Jusqu’à plus ample informé, un ancien agent est pour tous ceux qui s’y connaissent un agent destitué.

Ajoutez à cela l’antagonisme des fonctionnaires de province contre les bureaux de Paris et vous comprendrez la mélancolie de ce malheureux Badoît, combattant seul et sans secours en pays ennemi.

Il voulut causer avec Pistolet. Pistolet lui tourna le dos en disant :

— Patron, tout le monde ne peut pas inventer la poudre. L’atout vous manque, quoi ! Dans ces cas-là, faut pas jouer de son jeu. Boudez.

Et il poussa son bidet de façon à se mettre sur la même ligne que le grand cheval du brigadier.

— Il y a du temps assez que je connais le nom de Chamoiseau, commença-t-il d’un ton insinuant. Je ne m’attendais pas à avoir l’avantage de faire la connaissance du militaire qui le porte avec honneur.

Dans la cour de la gendarmerie, Pistolet avait entendu qu’on appelait le brigadier : M. Chamoiseau.

Celui-ci répondit :

— Le bavardage est un inconvénient dans mon grade. Filez à gauche !