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coup plus vivement éclairée que le carré. On y voyait une table ronde avec sa nappe mise, et, au fond, une cheminée, entourée d’ustensiles de cuisine, pendus à la muraille. Un homme et une femme qui continuaient une conversation commencée se montrèrent sur le seuil.

La femme, qui n’était plus jeune, portait un costume d’ouvrière fort propre où se retrouvait je ne sais quel reflet d’habitudes et de goûts campagnards. Elle avait dû être très belle, et l’expression de son visage inspirait la confiance. Il y avait en elle de la gravité et de la bonté.

Son compagnon était un homme de trente-cinq à quarante ans, petit, mais bien pris dans sa courte taille. Sa figure énergique avait quelque chose de débonnaire et de méfiant à la fois, comme il peut arriver pour les gens dont la fonction contrarie le caractère. Sa joue rasée était bleue de barbe, ses yeux très noirs et abrités sous des sourcils touffus regardaient droit, mais regardaient trop. Il avait le sourire honnête. Ses vêtements étaient ceux d’un petit bourgeois.

— Comme ça, dit la femme, après avoir interrogé le palier du regard et en parlant très bas, le général est à Paris ? Ne me cachez rien, monsieur Badoît, ajouta-t-elle en voyant que son compagnon hésitait. Vous savez bien que je ne suis pas bavarde.

— Je sais que vous êtes la meilleure des plus bonnes, maman Soulas, répondit M. Badoît, mais ça brûle, voyez-vous, et il y a là-dessous une manigance à faire dresser les