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semblaient vaguement, comme il arrive presque toujours entre deux sœurs.

Depuis quelques secondes Mlle Ysole de Champmas se taisait ; en ce moment, elle murmura :

— Thérèse Soulas ! Je ne lui ai pas même dit, non, je ne lui ai pas dit une seule fois : je crois que vous êtes ma mère. S’il y a un Dieu, le châtiment doit être terrible pour celles qui n’ont pas de cœur.

Paul, appuyé à l’angle de la cheminée et séparé d’elle par toute la longueur de la salle, éleva ses mains jointes convulsivement et dit avec désespoir :

— Oh ! je vous aime. Je vous aime comme un damné !

Sa voix parut éveiller Mlle de Champmas, qui se redressa à demi.

— Monsieur le baron, demanda-t-elle d’un accent indifférent, pourquoi cachiez-vous ma sœur chez vous ? Je veux le savoir.

— Votre sœur ! répéta Paul dont l’esprit harassé ne cherchait même pas à comprendre.

— Voilà trois ans et plusieurs mois, reprit Ysole, que vous avez chez vous Suavita de Champmas.

Les yeux seuls de Paul Labre exprimèrent son étonnement.

— Je l’ai bien cherchée, poursuivit Ysole parlant pour elle-même, mais voilà longtemps que je ne la cherchais plus. Je l’ai bien aimée, mais je n’aime plus rien. Si je vous parle d’elle, c’est que l’homme qui veut vous perdre vous a dénoncé ce soir même au général, disant : le baron d’Arcis a