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— Je souffre, dit-elle, épargnez-moi. J’ai eu compassion de votre jeunesse, de votre bravoure, de votre loyauté. J’éprouve pour vous un sentiment qui m’était inconnu : je vous admire en ayant pitié de vous.

— Oh ! vous m’aimerez, Mademoiselle… commença Paul.

— Jamais ! prononça-t-elle d’un accent ferme et calme.

Son geste impérieux défendit toute réplique.

Elle passa la main sur son front et poursuivit.

— Ceci n’est pas une conversation. Répondre me fatigue. Je suis venue pour parler, j’exige qu’on m’écoute.

Du doigt elle montra un siège à Paul, qui s’assit.

— J’ai un amant, dit-elle, comme si elle eût pris plaisir à tuer, par la brutalité des mots, la chevaleresque tendresse qu’elle avait inspirée. J’ai été la maîtresse d’un imposteur, et je ne sais pas si celui à qui j’appartiens est un honnête homme.

Paul se redressa :

— Assez, Mademoiselle, murmura-t-il bien bas, tant il avait honte. Il n’est pas besoin de ces cruels mensonges pour me prouver le désir que vous avez de m’écarter de votre route.

Elle sourit tristement et lui prit la main qu’il retirait.

— Je ne veux pas que vous m’aimiez, dit-elle, c’est vrai, mais je n’ai pas menti. L’homme dont je vous parle est mon maître et c’est