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pour moi, et il me serait cruel de vous causer un chagrin désormais.

Paul comprenait, puisque son cœur oppressé lui faisait mal, mais il tentait un effort désespéré pour repousser la lumière.

Il pensait : elle se reproche d’être venue. Cette glaciale froideur est la revanche de sa fierté.

— Je suis venue, reprit Mlle de Champmas, comme si elle eût voulu répondre à ces mots qui n’avaient point été prononcés, parce que mon devoir était de venir. Je n’ai pas agi loyalement envers vous, Monsieur le baron. Je vous ai confessé la faute qui pèse sur ma vie, je vous ai avoué qu’il ne m’était pas permis de prétendre à la main d’un galant homme… Je vous prie de ne point m’interrompre ; j’ai de la peine à exprimer ma pensée… Mais je vous ai trompé en ajoutant que je pourrais vous aimer un jour à venir.

Paul Labre ouvrit la bouche ; elle lui imposa silence d’un geste.

— Je vous ai trompé encore, poursuivit-elle, en vous cachant qu’un lien nouveau et actuel m’attachait à un autre que vous.

— Vous aimez ! s’écria Paul.

— Je ne sais si j’aime, répliqua Ysole d’un ton morne, et qu’importe cela ? Il y a bien longtemps, celui qui pervertit mon intelligence et mon cœur — l’homme vers qui je vous ai envoyé pour le tuer — entama la tranquillité de mon âme en m’apprenant que j’occupais une place, non pas usurpée, mais factice dans la maison de mon père.