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— Je ne t’ai jamais vue ainsi, reprit Paul Labre. Ta raison est tout à fait revenue.

Suavita l’interrompit d’un geste péremptoire qui signifiait : « tout à fait. »

Il voulut l’embrasser, elle s’arracha à son étreinte et gagna en deux bonds la table où étaient la plume et l’écritoire.

Elle saisit la plume.

C’était si extraordinaire et si nouveau que Paul Labre demeurait stupéfait.

Savait-elle écrire ?

Mais la plume, trempée dans l’encre résolument, hésita entre les jolis doigts de la fillette qui mit sa tête dans ses mains en pleurant.

— Tu as oublié, pauvre amour ! dit Paul Labre qui tâcha de sourire.

L’émotion le prenait.

Il ajouta pour la cacher :

— Tu ne devais pas être encore bien savante !

Suavita sanglotait.

Elle se leva soudain d’un mouvement violent et courut dans l’embrasure où Paul avait déposé son fusil de chasse.

Elle le lui montra d’un geste raide et qui eût fait peur à toute une salle de théâtre.

— Eh bien ! fit Paul dont la voix s’altéra.

Elle mit le fusil en joue.

— On a tué quelqu’un ?… commença Paul.

Elle rejeta brusquement le fusil et croisa ses bras sur sa poitrine.

Puis, échevelée, tragique, elle revint vers