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de ceux qui accusent. Du reste, il y avait bien des choses à dire sur moi : je ne suis pas un petit saint, et je fais le bien par des moyens que les casuistes n’approuveraient pas. Je me moque des casuistes, hé ! l’enfant !

» Il eut un gros rire qui essayait d’être rond, mais qui était brutal.

» Tu as déjà deviné le vrai nom de M. V…, mon frère, ce nom qui arrête ma plume chaque fois que j’ai besoin de l’écrire. Tu as beau être loin de la France, les journaux te portent sa lugubre renommée. Peut-être, car le monde marche et les pouvoirs se moralisent, peut-être est-il le dernier exemple de cet étrange compromis entre le bien et le mal, entre la société qui se défend et le crime qui l’attaque. Ce personnage populaire, presque légendaire, publie en ce moment ses Mémoires, qui sont lus par l’Europe entière. Il appartient au crime par son passé ; on dit que son présent n’est pas une expiation, mais une industrie, et que la société ne l’emploie qu’aux dépens de son honneur.

» C’est un loup, traître aux autres loups, qu’on a dressé à chasser ses frères.

» La méthode est vieille. Déjà deux fois le gouvernement a eu honte, et M. V… a été destitué. Mais quand il ne sert pas, il nuit, et l’administration, qui s’est lié les mains en acceptant deux fois son aide, le reprend par besoin ou par frayeur.

» — Eh bien ! mon jeune ami, poursuivit-il, voilà l’embarras où nous sommes : nous avons à Paris un Georges Cadoudal, ennemi personnel du roi, qui veut tuer le roi.

» J’étais fort attentif et fort ému. L’idée