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paroles ne font rien à l’amour. Dans le souvenir, sensible comme une plaie, que lui laissait son entrevue avec Ysole, il s’étonnait de ne point trouver d’amour.

Elle était venue, pourtant, d’elle-même ; d’elle-même elle avait choisi Paul. Pouvait-on croire qu’elle n’avait eu d’autre mobile que sa haine ?

Elle avait dit : J’aimerai.

Elle avait presque dit : J’aime !

Mais vous avez remarqué combien l’ouïe du souvenir est plus subtile et plus sûre que l’oreille la plus délicate.

C’est en se souvenant qu’on trie les nuances, qu’on reconnaît les demi-teintes.

De toutes nos facultés, la mémoire est assurément celle qui servit davantage le génie observateur des poètes et le talent espion des diplomates.

Paul écoutait de nouveau, en lui-même, la voix grave et douce de cette belle Ysole.

Tout son être tressaillait à ce ressentiment d’une volupté unique en sa vie.

Mais il ne retrouvait plus dans cette adorable voix la vibration émue qui l’avait fait tressaillir.

Tout se calmait à distance et tout se neutralisait : à ce point que la haine elle-même disparaissait comme l’amour.

La haine d’Ysole ! la belle et profonde haine de la vierge outragée ! La colère qui avait mis de si magnifiques éclairs dans ses grands yeux !

Cela brillait faux maintenant et cela ne sonnait pas juste. La haine semblait factice comme l’amour.

Pourquoi, cependant, et à quoi bon cette