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mais, au lieu de parler, il se mit à ranger des papiers sur son bureau.

» — Votre père était un vrai gentilhomme, dit-il brusquement. Êtes-vous carliste comme lui ?

» — Mes affections et mes croyances importent peu, répliquai-je. Aucun engagement ne m’empêche de servir le gouvernement du roi Louis-Philippe.

» — C’est bien, fit-il pour la seconde fois, mais ce n’est pas assez. Avez-vous lu l’histoire de Georges Cadoudal s’attaquant au Premier consul ?

» — Oui, monsieur.

» — Eh bien ! répondez franchement : Georges Cadoudal est-il pour vous un héros ou un assassin ?

» Je ne m’attendais pas à cette question, qui me troubla. Encore à cette heure je n’y saurais point répondre par un seul mot, parce que Cadoudal n’est pour moi ni un assassin, ni un héros. Je gardai le silence.

» — Auriez-vous défendu le Premier consul contre Georges Cadoudal ? interrogea encore M. V…

» Cette fois, je répliquai sans hésiter :

» — Oui.

» — À la bonne heure ! s’écria-t-il en me tendant sa main, dont le contact me donna un frémissement.

» Il s’en aperçut, sourit et reprit :

» — Quand vous aurez plus d’âge, vous saurez que les gens utiles et forts sont presque toujours calomniés. Les partisans du mal me détestent parce qu’ils me redoutent. Ils m’ont fait la réputation qu’ils ont voulu me faire, car le public se met invariablement du côté