— C’est fait, dit Lecoq, en se rasseyant froidement.
Le fils de saint Louis agita sa main royale.
— Confiance ! prononça-t-il d’un air inspiré. Les temps sont mûrs. Le nerf de la guerre nous manquait, je l’achète au moyen d’un mésalliance sublime ! Messieurs et chers amis, les hésitations, les scrupules ont pris fin. La reine vous sera présentée ce soir. C’est une simple villageoise, mais qu’était Jeanne d’Arc ? Une fille du peuple !
— D’ailleurs, dit le chevalier de la Prunelaye, le coq anoblit la poule. Je regrette seulement que son physique ne soit pas plus avantageux.
— Vos respects lui tiendront lieu de jeunesse, de beauté et d’ancêtres, déclama le beau Nicolas. Tout est prêt. Je vous permets de crier, quand elle apparaîtra, ce soir : Vive la reine !
En ce moment, Pistolet se sentit toucher le bras et, presque au même instant, la voix criarde de Jérôme, l’huissier de la cour, demanda à un nouvel arrivant qu’on ne voyait point encore :
— Comment que vous dites ? Répétez votre nom, vous !
Pistolet se retourna et vit auprès de lui Vincent Goret, qui le regardait d’un air piteux en disant :
— Vous aviez promis comme ça que vous me donneriez à manger et à boire.
Par bonheur, il y avait une certaine émotion dans le salon de verdure. On n’entendit point Vincent, parce que les conspirateurs s’agitaient, attendant avec inquiétude la réponse du visiteur inconnu.
— Avez-vous seulement le mot ? demanda encore Jérôme à ce dernier. Moi, je ne vous connais point et je me méfie de vous.
Il y eut des conjurés qui tirèrent des poignards de leurs poches.
Pistolet, furieux d’être dérangé ainsi au bon moment, saisit l’éclopé à la gorge.
— Si tu te tais pas, je t’étrangle ! dit-il.
Vincent Goret put balbutier encore :
— C’est à boire et à manger que je voudrais.
Pistolet serra plus ferme parce que la voix du visiteur invisible s’élevait de nouveau dans l’allée.
C’était une voix sonore et hardie.
Elle parla ainsi :
— Je n’ai pas le mot. Je veux voir M. Nicolas et je le verrai. Écoute bien mon nom pour le répéter comme il faut. Je m’appelle Paul Labre, baron d’Arcis !
Du coup, notre gamin resta littéralement abasourdi.
— M. Paul ! murmura-t-il. En voilà de l’ouvrage ! J’ai peur que ce soit fini de rire. Que diable vient-il faire ici ?