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tait déjà plus temps de prévenir un assassinat.

À cet égard, ses doutes ne furent pas de longue durée : le beau Nicolas était ici pour s’expliquer, et il s’expliqua. Pistolet put voir tout de suite que la concorde ne régnait pas dans cette respectable assemblée. Le fils de saint Louis avait à défendre ses faits et gestes contre une très vive opposition, à la tête de laquelle était M. Lecoq.

Nous ne répéterons pas ce que le lecteur sait déjà, nous dirons seulement qu’on parlait ici la bouche ouverte, et que Pistolet, curieux comme un singe, n’aurait pas donné pour la plus intéressante de toutes les parties de galoche l’heure qu’il passa aux écoutes.

Il était admis inopinément à visiter les ficelles d’un théâtre bien autrement important que Bobino ; il avait envahi les coulisses mêmes de cette scène fantastiquement machinée et dont les trucs inconnus avaient tant de fois occupé son imagination.

Il voyait les Habits-Noirs à la répétition et derrière la toile.

Selon l’expression de son triomphe mental, les Habits-Noirs « se déboutonnaient » devant lui !

Le fils de saint Louis, répondant aux objections de son ennemi Lecoq, déduisait avec une netteté complète son double plan d’attaque et de défense : attaque contre les millions de la Goret, défense contre la vengeance de Paul Labre.

Et Pistolet comprenait tout, devinant les sous-entendus, rétablissant les lacunes, et se disant du meilleur de son cœur :

— Je m’amuse, pour le coup ! Jamais je ne me suis tant amusé de ma vie.

Ce qu’il était venu chercher lui sautait aux yeux tout d’abord : il avait devant lui l’assassin de Jean Labre. Mais la bonne chère rend difficile et Pistolet n’en était déjà plus à se contenter de cela. On lui en servait, Dieu merci, à tire-larigot et il ne refusait rien. Tout se classait dans son excellente mémoire, il était seulement désolé de n’avoir pas de témoin.

— Il faut voir tout ça pour le croire ! pensait-il.

Le réseau de fils grossiers qui servait à tisser la nasse où les Habits-Noirs avaient pris ce gros poisson d’or, la Goret, lui inspirait une admiration d’amateur.

Il était homme à comprendre qu’il faut mesurer le piège à l’instinct de la proie.

La Goret eût brisé d’un seul coup de son lourd talon une trame plus délicatement tendue.

Et c’était en vérité comique et à la fois frappant d’entendre ce coquin de Nicolas étaler sur table sa diplomatie de bas lieu pour conclure froidement ainsi :

— Mariage immédiat, mort subite, loi