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avait plusieurs généraux, dont l’entente était loin d’être parfaite. Chacun d’eux pouvait avoir ses soldats.

Heureusement encore, le témoignage de Mèche vint à l’appui de ce nom de Trois-Pattes, lancé par notre gamin avec tant d’à-propos.

Après la bagarre, Pistolet, comme nous l’avons vu, sortit derrière l’éclopé, faisant du zèle et se donnant à lui-même mission de conserver ce précieux otage.

Il attendit Mèche dans l’étable et lui dit :

— Ça t’étonnerait-il que nous aurions, l’an prochain, un carrosse à nous deux et un cordon bleu dans une cuisine à nous ? Veille dur, dis-moi tout et file si tu vois des gendarmes.

Il l’enleva en un temps de polka ; puis, la quittant brusquement, il exécuta une culbute et disparut pour courir après le pauvre Vincent.

Il le rejoignit au détour du chemin et lui dit, entrant résolument dans son nouveau rôle :

— Garçon, si tu retournes chez les Mathieu, tu es perdu de bout en bout !

Le fils Goret le regarda avec défiance.

— Je vas payer ma casse et tout sera fini, répondit-il. C’est du bon monde, les Mathieu.

— Tout sera fini, jusqu’à demain que viendront les gendarmes pour te prendre, poursuivit Pistolet.

L’innocent s’arrêta court.

— Je n’ai point d’affaires avec vous, l’homme… commença-t-il, selon sa coutume.

Mais les larmes lui vinrent aux yeux et il s’écria :

— Oh ! là là ! les gendarmes ! y en a-t-il de quoi me mener jusqu’à l’échafaud, pour ce que j’ai tiré l’eustache de ma pochette contre ma prop’mère ?

— On ne sait pas, répliqua Pistolet d’un