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coup, pas vrai ?…

— Cent francs ! répéta l’innocent, épouvanté à l’idée d’un pareil trésor.

— Deux cents si tu veux… et je te prêterai mon couteau pour si la vieille se rebiffe maladroitement.

L’éclopé s’éloigna de lui.

— Je n’ai point d’affaires avec vous, l’homme ! dit-il. Si ma m’man ne veut pas me donner mes trente-cinq sous, y a la rivière. Je n’ai point de bonheur à être en vie.

Et il partit, ses sabots à la main.

Presque aussitôt après et au moment où il allait monter la route conduisant au château neuf, Pistolet entendit des cris du côté du hameau des Nouettes.

C’étaient Cocotte et Piquepuce qui accomplissaient la besogne commandée par Annibal.

— Venez, mes amis ! disaient-ils, venez, bons chrétiens ! le fils de Mathurine Goret va faire un malheur sur sa propre mère !

Et les paysans curieux de courir.

Pistolet ne fit ni une ni deux, il s’élança à la tête des paysans en criant :

— Villageois ! qui m’aime me suive ! La morale avant tout !

Personne ne l’aimait ; mais chacun le suivit parce qu’il prenait le chemin de tout le monde.

Dès le premier moment sa tournure et son aspect avaient éveillé les soupçons de Piquepuce et de Cocotte qui avaient reconnu en lui un sans-gêne de Paris.

Le vicomte Annibal fut prévenu. Une fois jouée la farce du pauvre petit couteau que le gars avait tiré de sa poche comme le noyé se retient à un brin d’herbe pour effrayer et arrêter la mégère, on aurait certainement fait un mauvais parti à Pistolet s’il n’avait payé d’audace.

Heureusement pour lui, dans cette armée qui assiégeait le coffre-fort de la Goret, il y