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Je suppose que, dans d’autres pays, on doit se servir encore d’autres noms.

C’était sa passion pour le jeu, jointe à la peur de passer pour un homme de police, qui l’avait conduit à ce fameux estaminet de L’Épi-Scié, situé derrière La Galiote, au boulevard du Temple. Ne pouvant avouer, près des dames, ni son emploi officiel de mouche, chez M. Badoît, ni sa profession libérale de tueur de chats, il s’était fait Habit-Noir in partibus et bandit honoraire. Cette position n’est pas si rare qu’on le pense, et il y avait de bien bizarres orgueils ; mais étant donné le tact extraordinaire, l’expérience prématurée et l’œil pénétrant de notre héros, car Pistolet est notre héros, il eût été difficile que son passage dans ce pandémonium ne lui révélât pas quelque chose.

À l’estaminet de l’Épi-Scié, nous l’avons mentionné ailleurs[1], se tenaient les basses assises de cette ténébreuse association que la justice ne put jamais atteindre qu’une fois et par son extrémité la plus infime.

La tourbe qui servait d’armée à l’état-major des Frères de la Merci, réuni autour de l’Habit-Noir ou Père-à-tous, s’assemblait à l’estaminet de L’Épi-Scié, dont la situation exceptionnelle, une porte sur la ville, une porte sur les champs, se prêtait admirablement à de semblables réunions.

Pistolet avait rencontré là, entre autres curieuses physionomies, le messager cul-de-jatte du Plat-d’Étain, connu sous le nom de Trois-Pattes, et qui devait mettre un terme à l’aventureuse carrière du bandit Lecoq, dit Toulonnais-l’Amitié, dans les bureaux de M. J.-B. Schwartz, banquier des princes.

Trois-Pattes, dont nous n’avons pas à refaire ici l’histoire, avait une influence considérable parmi les membres de l’association et Pistolet savait bien ce qu’il faisait na-

  1. Les Habits-Noirs (1re série).