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jours, aveuglément, follement.

Et, en frappant, elle grondait :

— Il n’y a rien ici à moi ! On me pilerait dans l’auge qu’on n’aurait pas de moi trente-cinq sous ! À manger, coquin ! À boire, voleur ! N’as-tu pas l’âge de gagner ta vie ! N’est-ce pas toi qui devrais donner le boire et le manger à ta vieille mère faible et infirme !

Les coups sonnaient, le sang coulait. Le gars Vincent commençait à crier misère, mais rien ne bougeait au-dehors.

En voyant le sang, la Goret devint furieuse. C’était une femelle de taureau, elle eut la fièvre rouge. À la volée, elle jeta les sabots qui brisèrent une vitre et saisit un grand pieu à planter les choux qui se trouvait à portée de sa main.

En même temps, selon l’instinct étrange de toutes les femmes qui appellent du secours, même quand elles assomment l’autre sexe, leur maître, elle se mit à hurler :

— À la garde ! à la force ! au voleur ! à l’assassin ! on m’égorge !

Et elle lança un coup de bout à l’éclopé qui para en tombant à plat ventre.

Le pauvre diable, aux abois, cherchant machinalement une arme pour se défendre, plongea sa main dans sa poche et en retira son couteau.

Si vous saviez quel misérable couteau ! un eustache de six liards qui se retournait sens devant derrière et branlait entre les deux lattes de son manche de bois blanc, un couteau qui n’aurait pas saigné un poulet, un couteau qui n’aurait pas même pelé une pomme.

Cependant c’était un couteau. Le nom fait la chose.

Au bruit du carreau qui éclatait, on avait entendu une rumeur au-dehors. La porte s’ouvrit avec violence, juste au moment où la Goret déchargeait à deux mains un terrible coup de pieu sur le crâne du malheureux gars, qui lâcha son couteau, et s’affaissa inanimé.

La porte ouverte donna passage à un petit groupe de paysans des deux sexes.

Au-devant d’eux marchait un personnage