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savait bien cela, et se laissait effrontément adorer dans sa crasse, comme ces dégradantes idoles qui font peur aux Chinois agenouillés.

Mais elle avait honte de son fils, ce pauvre malheureux innocent, battu depuis l’enfance, mal bâti, maigre, boiteux, déguenillé, affamé.

Elle avait horriblement honte.

Il n’était de rien à tout cet or. Son aspect faisait dégoût et pitié. On ne l’avait pas initié : il se croyait pauvre. Sa présence seule maculait le triomphe de Mathurine comme une insulte et un opprobre.

Elle laissa retomber le couvercle de son bahut brusquement ; elle se redressa de toute sa hauteur. Ses cheveux gris, frémissants, se hérissaient sur son crâne.

— Oh ! oh ! dit-elle d’une voix qui sortait rauque par l’effort qu’elle faisait pour la contenir, vous ne voulez pas chasser mon fieu, vous autres ! Vous avez raison : il serait votre maître, si c’était mon idée ! alors, sortez vous-mêmes, et plus vite que ça ! On n’a plus besoin de vous ! on sait faire ses affaires toute seule. Toi, éclopé, tire tes sabots et entre. Pas de bon Dieu ! on va voir !

Le jeune gars, d’un côté, les Parisiens, de l’autre, obéirent en silence.

Le malheureux enfant fit quelques pas à l’intérieur en boitant.

Il avait la tête nue et tenait ses sabots dans sa main mutilée.

— Ferme la porte, Vincent Goret ! lui ordonna Mathurine, dès que les autres furent sortis.

Il poussa le lourd battant en tremblant de tous ses membres.

Au dehors, derrière ce battant, les physionomies avaient subitement changé. La comtesse de Clare souriait au vicomte Annibal, qui lui dit :

— Bien-aimée, cet empereur Vespasien