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te, sais-tu ? Pas de bon Dieu ! Je ne disais rien pour ne pas vexer monseigneur qu’a bien déjà assez de cailloux dans ses chaussettes, mais ça me chiffonnait, ce mariage mor… morga… morga quoi, Fanfan ? Enfin, n’importe ! J’aime mieux être princesse que duchesse, pas vrai ? Le grade est plus calé… Verse un peu à boire, bel homme. Je suis bien aise, sacredienne !… À la santé de la compagnie !

Elle siffla son verre, et sauta hors du lit sans crier gare : les reines peuvent se montrer comme des corps saints, et pendant que les demoiselles de Paris lui mettaient ses gros bas de laine, elle écorcha un couplet gaillard à faire dresser les cheveux.

— Appelez-moi tous ensemble : Mon Altesse Royale ! s’écria-t-elle en lançant son bonnet de coton au plafond. Hein ! les comtesses ! ça vous met bien bas !… Bel homme, viens çà et réponds droit. Y a des manigances, je sais ça. Est-ce qu’un roi qu’a monté sur son trône pourrait renvoyer sa reine, mariée devant le maire et qu’aurait avec ça un bon contrat de mariage en règle ?

— Non, certes, répondit le vicomte Annibal.

— Je veux deux notaires, quatre notaires, une douzaine de notaires à mon contrat, pour que ça tienne plus dur ! On paiera ce qu’il faut.

Ici, elle repoussa avec énergie le bassin à laver que la comtesse Corona lui présentait.

— Toi, gimblette, lui dit-elle fièrement, tu sauras que les reines, c’est jamais malpropre. Lave-toi si tu veux, ma fille, tu n’es qu’une simple noble !

Elle rayonnait d’allégresse et d’orgueil. Sa laideur avait une auréole. Elle atteignait à un excès de comique qui faisait peur.

— Allons ! allons ! s’écria-t-elle tout à coup, je vas mettre une jupe neuve et ma camisole du dimanche ! tout à cuire et à