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Ceci était une modification au premier plan des Habits-Noirs qui s’étaient aperçus bien vite des difficultés présentées par la vente simultanée d’une si grande masse de propriétés. Renonçant à l’idée impossible de se faire livrer, de la main à la main, les biens de la Goret, ils avaient résolu d’obtenir le même résultat à l’aide d’un contrat de mariage contenant donation mutuelle et entière au dernier vivant des deux époux.

Pour cela, il fallait un mariage civil, et, en définitive, l’héritier de tant de rois s’appelant de son vrai nom Louis-Joseph-Nicolas, rien n’empêchait de faire de la Goret une Mme Nicolas devant la municipalité.

Elle était, Dieu merci, toute portée à regarder ce nom comme un leurre jeté à la police de son compétiteur, Louis-Philippe, soi-disant roi des Français.

On ne pouvait pas, évidemment, sans risquer l’exil et peut-être la mort, inscrire sur un registre de mairie cette redoutable mention : « Louis-Joseph de Bourbon, fils du Dauphin de France. »

Il y a des choses qui sautent aux yeux.

Quant à la formule de donation au dernier vivant des deux époux, nous allons voir tout à l’heure comment les Habits-Noirs l’entendaient. C’était le côté fort de la combinaison.

Comme ces admirables mécaniques qui non seulement marchent toutes seules, mais encore se règlent, se chauffent, se dirigent et se corrigent d’elles-mêmes, la combinaison inventée par le colonel (c’était sa dernière affaire) tuait la Goret, ouvrait sa succession et payait la loi du même temps.

Les Américains n’ont rien fait de mieux depuis lors.

Pour le coup, Mathurine fut contente.

— Fanfan, dit-elle à l’abbé, je te permets de baiser la main à Mon Altesse Royale. Les deux mains si tu veux, tu es une bonne bê-