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— Bonjour à tous et la compagnie. Ça me fait plaisir de vous voir comme ça à mon réveil… Comment va mon promis, là-haut, à ce matin ?

— Le fils de saint Louis, répondit la comtesse de Clare, envoie ses compliments affectueux à celle qu’il a daigné choisir pour compagne.

— Pas de bon Dieu ! fit la reine, pour avoir la langue bien pendue, toi, ma comtesse, ça y est tout de même ! Je te donnerai de l’avancement… L’abbé, un petit bout de patenôtre, pas vrai, et puis on va manger la soupe.

Le chapelain, qui était un pauvre diable, donnait en plein dans « la conspiration, » et prenait au sérieux ces momeries, au moins autant que Mathurine elle-même. Il s’approcha du lit et s’agenouilla devant le crucifix. Tous les fidèles sujets de Mathurine l’imitèrent.

Celle-ci prit son chapelet et ajouta :

— Faisons vite, Fanfan. Courte et bonne, la patenôtre !

Aussitôt que la prière fut achevée, Mathurine tendit sa grosse main vers la bouteille d’eau-de-vie qui était dans la ruelle.

Le reluisant vicomte Annibal Gioja s’élança pour la prévenir.

— Salut ! bel homme, lui dit Mathurine Goret, es-tu assez propre, toi ! Ça embaume, tes pattes blanches. À votre santé, les comtesses, les filles d’honneur et le reste. J’ai besoin du poil de la bête, le matin, pour me remettre en goût. Et je peux boire à ma soif, dites-donc ! j’ai de quoi payer le marchand pour sûr et pour vrai !

Elle eut un gros sourire ; tout le monde s’inclina respectueusement.

Le chapelain, dont le rôle se trouvait d’autant mieux joué que le pauvre homme était dupe des pieds à la tête, saisit ce moment pour porter à ses lèvres la rude main de la