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mille et passés aux noms de divers mandataires.

Ils portaient au dos la contre-lettre attachée avec une épingle.

M. Lecoq tenait le dossier à deux mains, et ce bon petit vieillard, le colonel, toujours souriant et guilleret, le parcourait sans lunettes.

Il répétait de temps en temps :

— Prodigieux ! parole d’honneur ! Deux paysans et une paysanne ! Des gens illettrés ! Qui ont passé par les griffes de tant de prête-noms ! Qui ont employé toute une armée d’hommes d’affaires !… Mon fils, notre association n’est jamais arrivée à un pareil résultat. J’ai honte pour les Habits-Noirs.

Lecoq réfléchissait.

— Les petits moyens, murmura-t-il, le travail des taupes… Et pas d’administration, pas de représentation !

— Explique cela comme tu voudras, mon fils, c’est miraculeux. On est saisi de respect au moment d’écraser une pareille sangsue !

— Il reste encore les prêts hypothécaires et les valeurs, dit Lecoq.

— Colossal ! Je jure bien que ce sera ma dernière affaire !

Lecoq secoua la tête et grommela entre ses dents :

— Papa, votre dernière affaire n’est pas encore dans le sac. Le prince est un imbécile. C’est un mauvais choix. Je n’ai pas confiance.

— Un garçon si rangé ! Vous êtes un peu contre lui, mes enfants ; moi, je l’aime comme je vous aime tous : fidèlement. Mais tu sais, pour le bien commun, je le lâcherais tout de même au besoin.

Lecoq se mit à rire.

— Il faudra peut-être faire mieux que le lâcher, papa, dit-il. Nous recauserons de cela. Vous êtes un ange !

Le vieux posa sa main sèche sur le robus-