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yeux rougeâtres, cachés maintenant par des paupières boursouflées.

Le nez ressortait en violet vif sur tout cela.

C’était une repoussante créature, mais qui devait avoir sa force. L’épaisse brutalité de cette physionomie au repos n’excluait point l’intelligence.

Les lits des paysans ressemblent un peu aux lits des rois. Ils ont une ruelle.

Dans la ruelle de la Goret, il y avait un bénitier, une bouteille d’eau-de-vie, du lard et du pain ; elle s’en donnait, depuis que, suivant son expression, « elle était pour être reine. »

Le contraste offert par les objets matériels dans le taudis de la Maintenon normande, se reproduisait en s’exagérant si l’on passait des choses aux personnes.

Tout près du lit, deux femmes admirablement belles et dont les toilettes simples, mais marquées au cachet d’un goût irréprochable, accusaient une position mondaine d’un rang supérieur, se tenaient debout et semblaient attendre le réveil de la monstrueuse créature : — leur souveraine.

C’était d’abord la comtesse Corona, petite-fille du colonel Bozzo, qui fut pendant quelques années une des plus brillantes femmes de Paris, et c’était ensuite la comtesse du Bréhut de Clare.

Celle-ci, bien qu’elle eût passé déjà les limites de la jeunesse, allait devenir la coqueluche du faubourg Saint-Germain.

Toutes deux se trouvaient ici en dehors du drame de leur vie et jouaient, par ordre du Père-à-tous, des rôles de comparses.

Auprès de Mme de Clare un éblouissant jeune homme, noir de cheveux, blanc de peau, tout jais et tout ivoire, parlait bas.

On le nommait le vicomte Annibal Gioja, des marquis Pallante.

Il venait de Naples, et savait les métiers d’Italie. Mme de Clare l’avait prêté pour