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Un secrétaire en acajou se dressait au-delà du bahut et jurait singulièrement avec le reste du mobilier. Une huche de chêne brut servait de montoir au lit. La table, noire d’humidité, n’aurait point déparé le cabaret le plus sordide ; mais, par un contraste inattendu, elle s’entourait d’une demi-douzaine de fauteuils capitonnés et habillés de damas jaune clair.

Le lit avait aussi des rideaux de damas, tandis qu’une serpillière en lambeaux pendait au devant de l’unique fenêtre et laissait passer par sa plus large déchirure un rayon de soleil matinier.

Un seul, car la ferme était dans un fond et entièrement entourée de verdure.

Tel était le séjour où respirait Mathurine Goret, fiancée du fils de saint Louis et future reine de France.

Elle respirait fortement, ou plutôt elle ronflait avec un tel tapage que le bruit de son nez dominait la conversation très animée des gens qui l’entouraient.

Le rayon de soleil, oblique et glissant entre les rideaux, permettait de contempler son auguste personne.

Elle dormait, vêtue d’une camisole d’indienne rouge et coiffée d’un bonnet de coton que maintenait un ruban de laine bleue ; son profil hommasse se découpait dans le noir de l’alcôve avec une vigueur étrange.

Catherine-le-Grand ne pouvait être plus virile que cela.

Son nez aquilin et busqué retombait en éteignoir sur une bouche brutale où croissait une moustache hérissée ; elle avait barbe au menton dans toute la force du terme, et quoi qu’on y pût faire, sa joue, labourée de rides, était tannée comme le cuir d’un vieux soldat.

Le reste de son visage consistait en un front étroit et bas, demi-caché par les mèches de cheveux gris qui s’échappaient du bonnet de coton et en une paire de petits