Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/396

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La bouche de Mlle de Champmas s’abaissa jusqu’à ses lèvres blêmies.

— Je suis à toi, dit-elle dans un baiser, je veux être à toi !

Puis, anéantissant elle-même l’extase qu’elle avait fait naître :

— Levez-vous, Monsieur le baron, reprit-elle. Vous êtes à moi puisque je vous appartiens. J’étais une enfant, une heureuse et pure enfant. Mon père m’aimait, Dieu me souriait, je regardais sans crainte au fond de ma conscience. Cet homme vint. Je ne sais pas si je l’aimais, je le crois, je m’en accuse ; — mais ce que j’aimais en lui, ce n’était pas lui. Mes yeux crédules furent éblouis : l’enfance écoute les contes de fées, il me promit que je serais reine…

— Reine ! répéta Paul étonné.

— Il était roi, ou du moins, fils de roi. Je le voyais travailler à la délivrance de mon père prisonnier… Pourrais-je dire quelle ambition folle aveugla ma raison ? Je fus coupable. Et savez-vous ce que voulait cet homme, ce roi, ce lâche et impitoyable malfaiteur ? Il voulait la fortune de mon père. Pour l’avoir, cette fortune, il s’était d’abord assuré de moi ; ensuite, il devait tuer mon père, et il a assassiné ma sœur !

La voix d’Ysole s’étranglait dans sa gorge ; elle râlait.

— Où est cet homme ? demanda Paul à qui l’excès de l’émotion rendait comme toujours sa froide apparence.

Ysole répondit :

— Pendant trois ans, je l’ai cherché. Voilà quatre semaines que je l’ai trouvé. C’était un soir, dans le salon de Mme la comtesse de Clare, notre voisine et ma parente. Je