Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/395

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chappant malgré lui de ses lèvres.

— Pourquoi me parlez-vous ainsi ? murmura-t-il.

Elle saisit sa main qu’elle porta jusqu’à sa bouche en un mouvement de folie.

— Je vous adorerai ! fit-elle au lieu de répondre, ou je me tuerai !

Le cœur de Paul se gonflait dans sa poitrine.

Des larmes lui vinrent aux yeux.

— Écoutez, reprit-elle, emportée par un irrésistible élan, je l’ai souvent pensé et je l’ai dit souvent dans l’amertume de mon désespoir : je ne puis pas être la femme d’un honnête homme. Un honnête homme n’est qu’un homme. Mais votre femme à vous, Paul, oh ! je l’oserais ! Il n’est rien que ne puisse relever et sanctifier le contact de votre belle âme !

Paul se laissa glisser à deux genoux.

— Si vous m’aimez, dit-il en couvrant ses mains de baisers, nous serons sauvés tous les deux. Mais pourquoi tenterais-je d’exprimer avec des paroles ce qui se passe en moi ? Mon cœur est un livre où vous lisez. Vous voyez à travers ma poitrine cette joie du ciel qui me noie et qui m’enivre ; vous sentez la fièvre profonde qui me fait vivre toute une existence dans la minute présente. Ysole, je n’ai jamais été heureux ; Ysole, chaque fibre de mon être tressaille au choc d’une volupté inconnue. Un souffle m’abattait, et il me semble que je vaincrais dix hommes ! Je vous vois plus belle que les anges, et mon allégresse va jusqu’à la souffrance. Y a-t-il des prédestinés pour trouver la mort dans cet océan de délices ? Ysole aimée ! Ysole adorée !…