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demander l’aumône.

Paul resta encore muet.

Ysole reprit, troublée à son tour par ce silence et essayant de railler au hasard :

— Je vous remercie de ne m’avoir pas répondu : Demandez-moi ma vie… C’est du bon goût et de l’esprit.

Cela sonnait si faux dans cet entretien, qui allait évidemment à une conclusion tragique, qu’elle se mordit la lèvre et tourna la tête en ajoutant :

— Monsieur le baron, il ne faudrait pourtant pas faire de moi un personnage de comédie. Vous ne m’écoutez pas. À quoi songez-vous, s’il vous plaît ?

— Je songe, répliqua Paul avec son inaltérable simplicité, que ma vie est acquise à une tâche bien sacrée, et que, pour ce bonheur de vous regarder de loin, j’ai déjà commis plus d’une lâcheté.

Elle lui tendit la main d’un geste brusque et sincèrement ému, cette fois.

— Paul, dit-elle d’une voix contenue mais distincte, je vous jure que je vous aimerai.

Paul était pâle comme pour mourir.

— Celui qui vous a offensée, balbutia-t-il, l’aimez-vous encore ?

— Je le hais.

— Je suis jaloux, dit Paul qui retira sa main, jaloux de votre haine !

— Et pourquoi ne vous aimerais-je pas ? s’écria-t-elle avec une soudaine violence. Vous êtes beau, vous êtes la beauté même ; jamais je n’ai vu d’homme si beau que vous. Vous êtes bon, vous êtes noble ; il y a en vous des délicatesses qui me rabaissent et que j’admire.

La pensée de Paul l’interrompit en s’é-