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moi-même.

Paul s’inclina ; elle poursuivit :

— Vous avez un secret comme moi, et votre secret pèse sur toute votre vie… encore comme moi.

Les mains de Paul se joignirent malgré lui.

— J’ai un secret, murmura-t-il, un deuil… un grand deuil… ; mais au nom de Dieu, Ysole, je tuerais celui qui me parlerait de vous comme vous le faites vous-même !

— Cela me plaît que vous m’appeliez par mon nom, dit Mlle de Champmas.

Paul Labre rougit.

Il avait prononcé ce nom à son insu et malgré lui.

Il y eut un silence. Le sourire d’Ysole prenait une amertume douloureuse.

— Personne ne vous parlera de moi comme je le fais, murmura-t-elle si bas que Paul eut peine à l’entendre, personne… excepté un homme… Et celui-là, si vous m’aimez, vous le réduirez au silence… pour toujours.

Elle s’était redressée dans toute la richesse adorable de sa taille.

Ses cheveux rejetés en arrière découvraient son beau front, où le courroux creusait une ride menaçante.

Ses yeux brûlaient.

— Ne parlez plus, dit-elle, sinon pour me promettre d’obéir. Êtes-vous brave ?

Paul n’eut pas même ce sourire qu’une pareille question, tombant de la bouche d’une femme, provoque invariablement chez les gens de cœur.

— Vous êtes brave, poursuivit Mlle de Champmas. J’avais deviné votre bravoure comme votre amour. Je vous connais si bien pour trop généreux que j’ai peur de vous