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tion froide :

— Que m’importe ! Je ne veux pas le savoir. Si c’est votre sœur, je l’aimerai ; si c’est votre maîtresse, on la chassera.

La physionomie de Paul Labre, mobile et expressive comme celle des enfants, laissa voir à ces mots : votre maîtresse, une surprise pénible.

Rien n’est sévère comme l’admiration des amants.

Ysole comprit et sourit avec tristesse.

— Est-ce que Thérèse Soulas ne vous a jamais parlé de moi ? interrogea-t-elle brusquement.

— Moi, répliqua Paul Labre, sans cesse je lui parle de vous.

— Elle a gardé mon secret, dit Mlle de Champmas en baissant la voix encore une fois, comme elle a gardé le vôtre. Il semble que mes paroles vous font souffrir.

— C’est vrai, avoua Paul. Je vous croyais heureuse.

Heureuse ne dit pas toute votre pensée, Monsieur le baron.

— Si fait, répondit celui-ci d’un ton ferme, et comme s’il eût voulu arrêter un aveu, toute ma pensée.

Leurs regards se croisèrent pour la seconde fois.

Paul Labre n’était plus timide.

Il prenait son rang par la fierté même qu’il imposait à Mlle de Champmas.

Mais celle-ci refusa orgueilleusement le respect délicat et profond que la générosité de Paul lui offrait.

— Notre entretien s’égarerait, Monsieur le baron, prononça-t-elle d’un ton bref et précis. Laissez-moi, je vous prie, le conduire