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ception du fameux M. Mégaigne, qui était assez rangé, malgré sa qualité de mauvais sujet, mais qui n’était pas modeste.

Sauf M. Mégaigne, aucun des habitués de l’ordinaire tenu par maman Soulas n’avait l’ambition de passer ministre de la police. Mégaigne était le personnage éblouissant de cet obscur cénacle. Il excitait des jalousies. Thérèse Soulas était obligée de l’admirer en secret pour ne point mécontenter le reste de ses pratiques.

M. Badoît avait du zèle et de l’acquis, M. Chopand connaissait les fortes traditions, M. Martineau flattait ses chefs, mais Mégaigne avait pour lui les femmes et il était de la nouvelle école.

Le dimanche, quand il mettait son chapeau « flamme d’enfer » sur l’oreille et qu’il nouait sa cravate en chou, bien des gens, à Belleville et à Ménilmontant, le prenaient pour un artiste du théâtre Beaumarchais. Il portait, ces jours-là, une lévite, pincée à la taille militairement, une badine et des gants de filoselle. Les bals du Delta, des Montagnes-Françaises et de l’Île-d’Amour étaient pleins de ses victimes.

Il était grand et lourdement bâti ; il avait cette laideur noire, luisante et contente des méridionaux dodus. On prétend qu’elle vaut la beauté. Il était hardi, fluent de paroles et riche d’accent : en somme, un inspecteur remarquable.

Chopand ne l’aimait pas, mais il le considérait.

Je ne sais pas comment vous vous représentez un mess d’agents de police, mais chez Mme Soulas, tout était calme et décent ; on