Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/376

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pour savoir où diriger sa course. Ysole de Champmas courait à cheval dans toutes les directions ; à la Belle-Vue-du-Foux, Paul Labre était sûr d’apercevoir, après quelques minutes d’attente, dans les sentiers grimpeurs de la montagne ou sur les routes sinueuses de la plaine, son voile vert, flottant au vent de sa course, et la robe fleur de pêcher de son charmant cheval.

Quand il l’avait aperçue, il choisissait son chemin, calculant le temps et la distance ; il savait la retrouver, fallût-il faire plusieurs lieues sous le soleil, — et il savait choisir, pour la rencontrer, l’endroit ombreux et bien couvert d’où, sans être deviné, il pouvait l’adorer un instant au passage.

Pauvre joie, pensera-t-on. Paul était ainsi fait.

Il n’avait point vécu.

Ces trois ans écoulés n’avaient pas changé en lui le jeune homme solitaire et timide à l’excès.

Son passé de misère pesait sur lui dans la prospérité.

Nous ne parlons pas même de l’idée fixe qui le tenait : le châtiment des assassins de son frère.

Paul croyait à cette idée fixe et, certes, il eût donné de son sang pour accomplir le serment qu’il avait fait.

Mais nous voulons avant tout la vérité. L’énergie de Paul Labre était d’espèce particulière.

Il eût tout osé, tout, pourvu que le danger vînt à lui.

Chacun de vous connaît de ces hommes, braves jusqu’à la témérité, mais à qui man-