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Puis elle ajouta :

— Je puis haïr encore. Je hais de toutes les forces de mon âme. Je crois que je ne saurais plus aimer.

Thérèse joignit les mains. Une parole s’élança de son cœur endolori à ses lèvres qui pâlissaient et tremblaient. Elle voulut dire :

— Alors, ayez pitié ! Alors laissez ce jeune homme inconnu à celle dont il est l’espoir de la vie !…

Mais elle se tut.

Une autre pensée venait de naître en elle ; une de ces pensées qui semblent tout concilier et qui faussent les consciences.

Elle s’était dit :

— Si mon Ysole épousait Paul Labre, — et c’était mon rêve autrefois, — elle abandonnerait le général, et cette position qui n’est pas à nous, et cette fortune dont nous ne voulons plus. Alors rien ne m’empêcherait de prendre par la main Suavita, ce pauvre ange, et de la reconduire à son père. On lui rendrait tout ce qu’on lui a pris ; elle serait Mlle de Champmas, la seule ! Et la sainte qui doit me voir d’en haut me pardonnerait, me bénirait…

Comme si tout en elle, et toujours, devait combattre contre cette douce victime qu’elle aimait ! tout, jusqu’à son honnêteté, tout, jusqu’à son affection !

Elle n’eut pas même besoin d’agir. L’amour de Paul pour Ysole était né dès longtemps. C’était le premier éveil de sa jeunesse, et il avait failli en mourir.

Les devoirs nouveaux, imposés par l’adoption de Blondette, et surtout le serment de vengeance qu’il avait juré en lui-même contre les meurtriers de son frère, avaient