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— Mais cela ne se peut pas !

Le jeune homme était Paul Labre.

Thérèse Soulas, depuis bien des semaines, voyait avec admiration l’effet produit sur la pauvre petite Blondette par la présence de Paul. C’était la vie même qui rentrait dans les pores de la chère enfant. Elle tressaillait au son de la voix de Paul ; elle le suivait comme un chien suit son maître ; quand Paul la regardait en souriant, ses grands yeux bleus se voilaient, alanguis par l’extase.

Hélas ! Ysole en était à souhaiter la rude misère de ceux qui souffrent !

Tout ce qu’avait fait Thérèse, tout ce silencieux et amer dévouement, toute cette longue torture avaient abouti à ceci : Ysole ambitionnait le sort même qui eût été son partage sans le dur travail de sa mère.

Ysole était plus cruellement vaincue et plus découragée que les pauvres filles des champs, — même celles qui ont été trompées !

Ysole était plus malheureuse que n’avait été sa mère !

Elle n’avait rien gardé de ce que sa mère avait acheté pour elle à si haut prix, et de tout ce qu’elle avait pris à sa sœur infortunée, rien ne lui avait profité.

Rien !

Et voilà que le dernier bien, laissé par la Providence à la pauvre Suavita, son ami, son protecteur, son Dieu, Ysole allait encore le lui prendre.

Thérèse, révoltée, demanda :

— L’aimez-vous ?

— Je ne sais, répondit Ysole avec distraction. Pourquoi l’aimerais-je ?