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Elle n’essayait pas même de mettre en avant l’excuse tirée des mesures à prendre pour l’évasion de son père, excuse vraie, pourtant.

La mère fut heureuse et presque fière de cette vaillance.

Ysole était coupable, mais non point comme elle l’avait un instant redouté.

Ysole aimait sa sœur.

Et Ysole donnait une telle preuve d’audacieuse franchise qu’il n’était point permis de mettre en doute sa parole.

Mme Soulas ne parvint point à surprendre la réponse du général.

Elle put constater seulement chez Ysole un redoublement de morne tristesse.

Et une fois Ysole, qui s’était prise pour elle de confiance et d’affection, lui dit :

— J’ai perdu le cœur de mon père. Vous qui le connaissez, vous savez s’il est bon : ce n’est que justice, et je n’ai pas le droit de me plaindre.

Comme Thérèse essayait de la consoler en appuyant précisément sur la noble bonté du général, Ysole ajouta :

— Il m’aimait plus que ma pauvre petite sœur. J’étais sa joie et son orgueil. J’ai tué sa joie et j’ai humilié son orgueil. Si ma pauvre petite Suavita, — et que Dieu le veuille ! — était retrouvée, mon père me chasserait, je le sais… j’en suis sûre !

Ces paroles ne tombèrent point à terre, et le vrai supplice de Thérèse Soulas commença.

Un supplice sourd, une torture de toutes les minutes, car, désormais, c’était sa propre conscience qui était entamée.