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même à la garder près d’elle.

Les mères sont des devineresses. Au point de départ de son dévouement maternel, Thérèse Soulas avait éclairé d’un seul regard un des plus subtils mystères de nos sociétés civilisées : elle avait compris que l’enfant d’une morte avait chance de trouver appui chez un père généreux et puissant, qui eût repoussé la fille d’une vivante.

La mère gêne dans ce monde auquel rien ne la rattache.

Le père a honte et s’abstient.

La mort de la mère relève la fille.

Thérèse s’était faite morte.

Un jour, elle crut possible de pactiser avec son dévouement, d’en reprendre une part et d’en conserver pourtant tout le bénéfice à sa fille.

Le général lui-même ne lui avait-il pas ouvert la voie ?

Elle se dit : Je serai près de ma fille, et ma fille ne me connaîtra pas.

Et je saurai !

Elle sut, plus vite et mieux qu’elle ne pensait.

Cette Ysole était une étrange fille.

Aussitôt qu’elle connut l’adresse de son père en Angleterre, elle lui écrivit une longue lettre qui était le récit rigoureusement exact des événements racontés par nous : son séjour à la maison du quai des Orfèvres, son amour pour « le prince » et l’heure de folie où elle avait déserté le chevet de sa sœur malade pour suivre son amant.

Dans cette lettre, dont Mme Soulas trouva le brouillon, Ysole s’accusait froidement et sans réserve.