Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/35

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

éternel jeu de cache-cache, aime à se rapprocher du regard qui l’observe. Au moral et au physique, on ne voit pas bien de trop près. L’œil de l’esprit et l’œil du corps ont leur point comme les lorgnettes.

Les environs immédiats de la préfecture, à Paris, comme ceux du metropolitan-police, à Londres, ne jouissent pas d’une bonne réputation.

Il y a des courants pour les sinistres vogues aussi bien que pour les succès d’art. Au temps dont nous parlons, la monstruosité à la mode était l’enmurement de la rue Pierre Lescot, où un malheureux provincial venait d’être maçonné derrière les lambris d’une Cythère de bas étage.

Le mot se disait : « enmuré ». La chose, renouvelée du moyen-âge, effrayait et divertissait les imaginations, avides de brutal émoi.

Paul Labre se prit à écouter.

L’idée d’un homme enmuré dans les épaisses parois de la tour voisine naquit en lui, malgré lui.

Aussitôt née, cette idée s’empara de son cerveau. Il se leva et courut vers la porte du carré qu’il ouvrit pour la seconde fois. Sur le carré, les bruits de la gargote montaient par l’escalier en colimaçon comme dans un entonnoir acoustique. Les cabinets particuliers de tous les étages envoyaient leur contingent de fracas confus, mêlés à de véhémentes odeurs de victuaille. Les couteaux et les fourchettes grinçaient, les assiettes claquaient, les dames glapissaient ou hurlaient, les hommes riaient ou juraient : par-dessus le tout, des chants rauques éclataient. L’établissement Boivin allait bien. C’était l’heure.