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Et depuis, la santé physique était revenue. Elle revivait au contact bienfaisant de l’être que son cœur d’enfant avait choisi dès longtemps et à son insu pour l’aimer.

La présence de Paul la réchauffait comme un baiser de soleil, au matin, relève la plante affaissée sous le givre ; elle était forte, elle pouvait courir, bondir ; son sein battait, le rose montait à sa joue, le sourire à ses lèvres…

Mon Dieu ! qu’eût-il fallu pour lui rendre l’autre moitié de son existence ! la grande moitié : la parole, l’esprit, le cœur ?…

Comme ils marchaient tous deux, lui rêvant, elle souriant à ce vague plaisir qui l’épanouissait comme une rose, elle pesa doucement, de ses deux mains nouées, sur le bras de Paul.

Paul venait de passer en bandoulière le fusil de chasse qu’il portait tout à l’heure à la main. Il ne prit pas garde ; Blondette pesa plus fort.

Paul se retourna pour la regarder ; leurs yeux se choquèrent.

— Que tu es donc belle ! murmura-t-il avec admiration.

Elle l’enveloppait de son regard qui parlait.

Et, chose étrange, Paul comprenait ce regard comme un langage : mot à mot, avec les nuances et jusqu’aux inflexions que la voix aurait eues.

— Pas si belle que l’autre ! disait le regard à la fois suppliant et menaçant.

— Quelle autre ? fit Paul malgré lui.