Page:Féval - La Rue de Jérusalem, 1868.djvu/343

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle était heureuse, ainsi pendue à ce bras ami ; elle s’abandonnait à sa joie ; il y avait des instants où sa prunelle pétillait comme un feu.

Mais le feu s’éteignait, hélas ! et je ne sais quel nuage vague tombait sur tout cet éclat virginal, sur toute cette florissante jeunesse.

On avait peur et on souffrait à voir cela. Les beaux yeux de l’enfant se troublaient, tout à coup ; l’intelligence se voilait sur ce front, plein de spirituelles promesses. C’était comme un deuil lourd et froid qui glaçait la pensée.

Sous ce rapport, Suavita de Champmas était restée telle que nous la laissâmes sur le pauvre lit de Paul Labre, dans la mansarde de la rue de Jérusalem.

Suavita n’avait point recouvré entièrement l’usage de sa raison.

Et Suavita était muette toujours.

Mais comme elle parlait bien, pourtant, quand son cœur étincelait dans ses yeux ! Comme elle pensait ! comme elle aimait peut-être !

Le passé seul était en elle complètement mort ou endormi. Elle avait perdu le souvenir avec le pouvoir de parler.

Elle était née en quelque sorte à cette vie insuffisante et tristement diminuée, à l’heure même où son pauvre petit corps malade recevait le choc mortel de l’eau.

L’excès de la terreur l’avait tuée moralement.