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réchal qui lui arracha, avec ses tenailles, de gros poils de barbe grise qu’elle avait au menton.

Elle devenait coquette à vue d’œil, Mathurine Goret.

Et prodigue aussi, car elle fit dire des neuvaines à la paroisse ; on ne sut jamais pour qui ni pour quoi.

Dieu sait qu’on s’occupait de cela aux alentours, depuis le matin jusqu’au soir.

Mais l’étonnement public devait avoir bientôt de bien autres aliments.

La ferme de la Goret, située au fond d’une gorge où roulait le Husseau, petit affluent de la Mayenne, était dominée par une montagne rocheuse d’un aspect véritablement sauvage et que les gens du pays montraient volontiers aux touristes de Paris.

La gorge elle-même avait de curieux aspects avec ses grands plans de pierres rougeâtres, tranchant dans la verdure et sa croupe large, couverte de moissons, qui remontaient vers la forêt de La Ferté.

La Goret accosta un soir le curé de Mortefontaine qui lisait son bréviaire par les chemins, et lui demanda combien il en coûterait pour avoir un chapelain.

— Avez-vous donc une chapelle où le mettre, bonne femme ? interrogea le prêtre.

Mathurine était orgueilleuse outre mesure, comme tous les êtres de sa sorte.

— J’en aurai une quand je voudrai, monsieur recteur, répondit-elle, et deux aussi, et vingt, et si l’idée me prenait d’avoir une cathédrale, faudrait que j’en aie une, ou pas de bon Dieu !

— Ne jurez pas, bonne femme, dit paisi-