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Chacun des louis d’or volés par Goret premier valait une métairie, maintenant.

Il faudrait ce qu’on appelle des nombres de raison pour chiffrer les produits possibles d’une pareille mécanique dans le cours d’un autre demi-siècle.

Et la mémoire de la Goret, réglée comme un livre de commerce aux mille pages, multipliées, chacune, par dix colonnes, contenait tout, ne mêlait rien. Elle refusait les pièces de deux sous fausses, même quand elle était ivre !

En 1835, au mois de juin, un homme vint dans le pays : un gros gaillard de bonne humeur qui achetait les écus de six livres vingt sous les douze.

C’était un bénéfice d’autant plus clair que, dans le commerce, les mêmes pièces de six livres ne passaient que moyennant quatre sous d’appoint.

On parlait de les démonétiser. L’homme s’appelait M. Lecoq. Il faisait pour la maison de banque J.-B. Schwartz et Cie, de Paris.

Les gens comme Mathurine Goret n’existent qu’à la condition de brocanter toujours et sur tout. Aussitôt qu’elle entendit parler de M. Lecoq et de son trafic, elle prit les devants et rassembla une quantité considérable de pièces de six livres qu’elle lui offrit sous main à quarante sous les douze.

M. Lecoq arriva, marchanda, causa. On but ensemble, on jura de compte à demi, on fit affaire, et, trois jours après, M. Lecoq tapait sur le ventre de la Goret qu’il appelait par son petit nom.

C’était en vérité un bon vivant, et il apportait toujours une bouteille de quelque